Nouvelles technologies et politiques énergétiques

 

La production et l'utilisation d'énergie est la principale source d'émissions anthropiques de gaz à effet de serre. La combustion du charbon, du pétrole et du gaz naturel représente environ les trois quarts du total des émissions de dioxyde de carbone, soit quelque 6 milliards de tonnes de carbone par an (en 1992). L'extraction et l'utilisation des combustibles fossiles émettent près d'un cinquième du méthane d'origine anthropique, une certaine quantité de dioxyde de carbone et d'importantes quantités de monoxyde de carbone et autres polluants atmosphériques. Le secteur industriel représente plus d'un tiers des émissions mondiales de CO2 découlant de l'emploi des combustibles fossiles (à l'exclusion du secteur de la production d'électricité), les secteurs domestique et commercial 32 % et les transports un peu plus de 21 % (pourcentage en rapide augmentation). Ces émissions liées à la production d'énergie pourraient être sensiblement réduites grâce à une combinaison des nouvelles technologies et politiques. Les fuites et déversements qui se produisent lors de l'extraction et du transport des combustibles fossiles peuvent être minimisés. De nouvelles techniques " de récupération intégrée " permettraient de réduire les émissions de méthane (le grisou) provenant des mines de charbon de 80 à 90 % par rapport aux méthodes habituelles. Les technologies disponibles aujourd'hui pourraient entraîner une diminution des émissions de méthane dues aux systèmes de distribution de gaz naturel de 80 % (par rapport à la moyenne mondiale). Dans les gisements pétroliers où le gaz naturel est brûlé en torchère, de petits générateurs pourraient être installés sur place pour produire de l'électricité à usage local, l'autre solution consistant à comprimer le gaz ou à le convertir à l'intention des industries de transport ou des usines voisines. Ces options, comme nombre d'autres technologies, pourraient à elles toutes réduire le total des émissions fugaces provenant de l'extraction d'énergie et du transport du combustible de 50 à 90 %. Les politiques fiscales pourraient accélérer l'introduction des nouvelles technologies. D'ici à l'an 2100, la totalité des équipements du système mondial de production d'énergie à des fins commerciales aura été remplacée deux fois. L'introduction d'incitations à investir dans des technologies ayant un meilleur rapport coût-efficacité et un rendement énergétique supérieur permettrait de tirer au mieux parti des possibilités de réduction des émissions qu'offre ce matériel. L'imposition des émissions ou de la teneur en carbone des combustibles pourrait orienter les investissements vers des technologies moins polluantes. Les économistes estiment qu'une élimination progressive à l'échelon de la planète des subventions accordées aux combustibles fossiles réduirait de 4 à 18 % les émissions globales tout en favorisant les revenus réels. Le rendement de conversion des centrales électriques pourrait être amélioré. Le rendement de conversion moyen - qui est de 30 % à l'échelon mondial - pourrait au moins doubler à long terme. Les centrales à charbon et à gaz naturel les plus performantes convertissent déjà le combustible en énergie utilisable avec une efficacité de 45 % et 52 %, respectivement. Une nouvelle technologie prometteuse est celle des centrales à cycle combiné, dans lesquelles la chaleur produite par le combustible brûlé fait fonctionner des turbines à vapeur tandis que la dilatation thermique des gaz d'échappement fait tourner des turbines à gaz. Une autre formule est la cogénération, c'est-à-dire la production combinée de chaleur et d'électricité, qui permettrait de porter la quantité d'énergie utile produite à environ 80 à 90 % de l'énergie thermique du combustible; c'est là beaucoup plus que ne pourraient le faire des centrales électriques et thermiques séparées, encore qu'il faille que les utilisateurs ayant besoin de refroidissement et de chauffage se trouvent à proximité. On pourrait en augmentant l'efficacité d'une centrale à charbon normale de 40 à 41 % réduire les émissions de CO2 qu'elle produit de 2,5 %. Les émissions produites par les centrales peuvent également être réduites en adoptant des combustibles à moins forte intensité de carbone que le charbon. Le passage du charbon au gaz naturel permettrait de réduire les émissions de 40 à 50 %. Une utilisation efficace de la biomasse dans les systèmes de cogénération utilisant turbines à gaz et turbines à vapeur est susceptible d'entraîner une réduction des émissions; ces systèmes se sont déjà révélés commercialement viables pour la fabrication de pâte et de papier et certaines utilisations agricoles dans des régions en développement. Les techniques faisant appel à l'énergie renouvelable - éolienne, solaire et petites centrales hydroélectriques - peuvent également réduire les émissions tout en distribuant l'électricité de manière plus flexible " en dehors du réseau ". L'industrie peut également réduire son intensité énergétique tout en diminuant les coûts de production. Au cours des deux dernières décennies, les émissions provenant des combustibles fossiles utilisés dans l'industrie ont diminué ou sont restés constantes dans les pays développés grâce aux progrès technologiques et à l'évolution structurelle de l'économie. Pour réduire leurs émissions industrielles de CO2 de 25 % ou plus par rapport au niveau de 1990, il suffirait à ces pays de remplacer les installations et procédés existants par les solutions techniques les plus efficaces dont on dispose aujourd'hui. Le fait de moderniser ainsi l'équipement quand arrive le moment de renouveler le matériel constituerait un moyen efficace de réduire les émissions industrielles. Au niveau mondial, ces dernières devraient progresser de manière spectaculaire à mesure que les pays en développement s'industrialisent; il faudra pour ralentir le rythme de croissance de leurs émissions qu'ils aient accès aux meilleures techniques disponibles. Les secteurs domestique et commercial peuvent adopter des technologies ayant un bon rendement énergétique. Des technologies ayant une période d'amortissement de 5 ans ou moins sont disponibles pour de nombreux types de matériel utilisés dans la construction. Elles permettraient de réduire les émissions de CO2 de 20 % d'ici à 2010, de 25 % d'ici à 2020 et de 40 % d'ici à 2050 par rapport au scénario de référence (qui prévoit une amélioration progressive du rendement énergétique sans aucune intervention délibérée liée au climat). Le secteur de la construction pourrait avoir un meilleur rendement énergétique grâce à des programmes axés sur le marché au titre desquels les clients ou fabricants recevraient une aide technique ou des incitations financières. Parmi les autres formules possibles, il faut citer les normes d'efficacité énergétique, la recherche publique et privée visant à mettre au point des produits plus performants et les programmes d'information et de formation. Un bon dosage de réglementations, campagnes d'information et mesures d'incitation pourrait constituer la meilleure solution pour améliorer le rendement énergétique de ces secteurs. Les politiques non liées à la fiscalité peuvent également encourager les technologies à faible niveau d'émissions. La diffusion des nouvelles technologies et pratiques est souvent compromise du fait d'obstacles culturels, institutionnels, juridiques, financiers et économiques et par un manque d'informations. Les politiques gouvernementales peuvent contribuer à éliminer certains de ces obstacles. Les programmes de mise en commun des informations et d'étiquetages des produits peuvent par exemple aider les consommateurs à prendre mieux conscience des conséquences indirectes de leurs décisions. Les gouvernements peuvent également encourager des projets judicieusement choisis de recherche, de développement et de démonstration de technologies susceptibles de réduire les émissions et d'améliorer l'efficacité. Tout en évitant de miser sur les secteurs technologiques d'avenir, les gouvernements peuvent jouer un rôle utile en aplanissant les obstacles que connaissent les innovateurs et en encourageant un dosage équilibré des options énergétiques et des programmes de recherches au plan national. Une autre solution consisterait à introduire des objectifs d'émission en même temps que des permis d'émissions négociables que les sociétés peuvent acheter et vendre. D'importantes réductions des émissions de gaz à effet de serre provenant des combustibles fossiles sont possibles au cours des 50 à 100 prochaines années. Une expérience réfléchie fondée sur plusieurs scénarios visant à mettre en place un système d'approvisionnement en énergie à faible niveau d'émissions de CO2 (L.E.S.S.) a révélé que les technologies actuelles et à venir permettraient de ramener les émissions mondiales de CO2 provenant des combustibles fossiles d'environ 6 milliards de tonnes de carbone par an en 1990 à quelque 4 milliards de tonnes en 2050 et à 2 milliards de tonnes en 2100. Il faudra pour atteindre ces objectifs introduire des innovations technologiques et faire une plus large place aux sources d'énergie renouvelables, en particulier la biomasse, certains pays pouvant également envisager l'option nucléaire. Comme on pourrait recourir à de multiples combinaisons différentes de technologies, ce futur système d'approvisionnement énergétique serait très modulable. À court terme cependant, la demande mondiale d'énergie étant nécessairement appelée à augmenter, les mesures visant à réduire les émissions devront continuer à s'accompagner d'améliorations du rendement énergétique