L'apoptose

 

Exemple de recherches contemporaines

 


Bâtiment FERMAT
Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
45, avenue des Etats-Unis
78035 Versailles cedex
separateur
Responsable (group leader):
Bernard Mignotte,

 

Cette mort cellulaire physiologique est impliquée dans le développement des organismes pluricellulaires et est nécessaire à l'élimination des cellules surnuméraires et dysfonctionnelles.

Un exemple classique est la morphogenèse des doigts chez les vertébrés terrestres au cours de laquelle les cellules de l'espace interdigital générées au début de l'embryogenèse sont ultérieurement éliminées de cette façon. La mise en place du système nerveux fait elle aussi appel à ce processus puisque les neurones qui n'ont pas effectué de connexion avec leur cible (environ 50% des neurones formés dans l'embryon) sont éliminés par apoptose. De même, la mort cellulaire permet la sélection du répertoire immunitaire par élimination des lymphocytes autoréactifs ou dysfonctionnels. Il en résulte que, des défauts de contrôle de ce processus peuvent aboutir à des pathologies. Un déclenchement anormal de l'apoptose est observé lors de maladies neurodégénératives telles que les maladies d'Alzheimer et de Parkinson et au cours de la pathogenèse du SIDA. Au contraire, une inhibition du processus peut conduire à l'apparition de maladies autoimmunes  et est impliquée dans l'apparition de cancers. La compréhension des mécanismes qui contrôlent l'apoptose est donc d'une importance capitale tant pour la recherche fondamentale que dans la perspective d'applications médicales.

Le déroulement de l'apoptose

Au cours de l'apoptose différentes voies d'induction semblent converger vers une série d'étapes stéréotypées, semblables pour toutes les morts par apoptose. Dans un premier temps, les cellules subissent une série de modifications physiologiques (phase effectrice ou pré-apoptose) qui va les engager irréversiblement vers la mort. Dans un deuxième temps, les cellules s'engagent dans la phase de dégradation où elles présentent les caractéristiques morphologiques (condensation de la cellule, du noyau et de la chromatine) et moléculaires (fragmentation du DNA en fragments oligonucléosomiques) de l'apoptose. Dans certains cas, la phagocytose des cellules apoptotiques survient avant que ces modifications ne soient perceptibles.

Les gènes impliqués dans l'apoptose

Chez le nématode Caenorhabditis elegans, l'approche génétique a permis de montrer que les produits des gènes ced-3 et ced-4 sont nécessaires au déroulement du processus de mort cellulaire observé au cours du développement. Le produit du gène ced-9 est au contraire capable de le bloquer. Ced-9 est l'homologue de l'oncogène bcl-2 qui appartient à une famille de gènes dont certains membres -tels ced-9 et bcl-2- inhibent l'apoptose tandis que d'autres la stimulent. Ced-3 est l'homologue d'une famille de gènes de protéases à cystéine, appelées caspases. La protéine Ced-4, dont l'homologue mammalien est Apaf-1, lie et active la protéine Ced-3. Le mode d'action des gènes de la famille bcl-2 reste mal compris et les substrats des caspases réellement impliqués dans l'apoptose, mal définis. Chez C. elegans, l'analyse génétique et la mise en évidence d'une interaction entre les protéines Ced-4 et Ced-9 et entre Ced-4 et Ced-3 suggèrent que Ced-9 inhibe l'apoptose en empêchant Ced-4 d'activer la caspase Ced-3.
Chez les mammifères de nombreux autres gènes ont été décrits comme ayant une action positive ou négative sur l'apoptose. Certains de ces gènes sont connus pour être impliqués dans le contrôle de la prolifération cellulaire (ex : E2F, Rb...), ce qui est en accord avec l'idée que la mort par apoptose permet de compenser une multiplication cellulaire ectopique et qu'elle participe ainsi à la protection contre l'apparition des cancers. Par ailleurs, un grand nombre de virus ont développé, au cours de l'évolution, différentes stratégies pour contrer ce moyen de défense et empêcher que la mort de la cellule ne survienne avant la fin du cycle viral. Certaines protéines virales agissent comme antagonistes de protéines cellulaires impliquées dans l'apoptose. Pour notre part, nous avons montré que l'antigène T du virus SV40 inhibe l'apoptose induite par la protéine p53.

Les espèces activées de l'oxygène

Plusieurs travaux ont montré que les espèces activées de l'oxygène (EAO) intracellulaires interviennent aussi comme seconds messagers dans la transduction de signaux. Certaines données suggèrent qu'elles pourraient participer à l'induction de l'apoptose. En particulier, Bcl-2 semble inhiber l'apoptose en s'opposant à la production ou à l'effet des EAO tandis que la superoxyde dismutase (enzyme impliquée dans l'élimination des EAO) retarde l'apoptose de cellules neuronales induite par privation en NGF. Toutefois, il avait été suggéré que l'apoptose peut être induite dans des conditions d'hypoxie et que Bcl-2 peut toujours exercer son activité dans ces conditions. L'absence totale de production d'EAO dans ces conditions n'est cependant pas prouvée et le rôle central des EAO dans l'ensemble des processus d'apoptose reste donc un sujet de controverses. L'existence de différentes voies d'induction, impliquant ou non les EAO, est probable. Une production accrue d'EAO pourrait être une des voies conduisant à une chute du potentiel redox de la cellule se manifestant par une diminution des taux de NADH, de NADPH et de glutathion non-oxydé.

 

Les thèmes de recherche

Les projets que nous développons visent à caractériser la cascade d'événements qui conduit à la mort de la cellule par apoptose. Les méthodes mises en oeuvre sont celles de la Biologie Cellulaire et Moléculaire et de la Génétique. Jusqu'à présent, nous avons essentiellement utilisé comme modèles des cellules de mammifères en culture. Nous avons récemment développé une approche génétique chez la levure et la drosophile. La complémentarité de ces deux types d'approches devrait permettre de préciser le mode d'action des gènes impliqués dans le contrôle de la survie cellulaire.

 

 

Axe de recherche 1: Déterminisme du choix entre arrêt de prolifération et apoptose

En collaboration avec l'équipe de J. Feunteun (IGR, Villejuif), nous avons utilisé des lignées immortalisées par un virus SV40 portant une mutation thermosensible dans le gène spécifiant l'antigène T. Nous avons suivi les effets de la perte de l'état immortalisé lorsque l'antigène T est inactivé par passage à température restrictive (39,5°C). Nous avons montré que selon les lignées, par suite de la dissociation du complexe formé entre l'antigène T et la protéine oncosuppressive p53 en condition restrictive, les cellules entrent en apoptose ou cessent de proliférer et acquièrent un phénotype pseudo-sénescent.

Nous avons retenu, comme modèles d'étude, deux lignées, REtsAF et REtsA15, présentant respectivement les phénotypes apoptotique et pseudo-sénescent en condition restrictive. La comparaison de ces deux lignées et l'étude de l'inhibition de l'apoptose par bcl-2 nous a permis de montrer que la survie des cellules REtsA15 résulte d'un niveau d'expression plus élevé des gènes anti-apoptotiques bcl-2 et bcl-xL. L'action protectrice de ces gènes met en jeu une protéase qui clive la protéine Rb.

Nous étudions le rôle du clivage de Rb dans le mécanisme d'inhibition de l'apoptose. L'hypothèse que nous privilégions est que la forme clivée inhibe le facteur de transcription pro-apoptotique E2F1.

 

 

Axe de recherche 2: Physiologie cellulaire de l'apoptose

Nous avons observé que l'engagement dans l'apoptose s'accompagne d'une chute du potentiel de membrane mitochondrial qui est à l'origine de plusieurs altérations. Cette observation, par la suite généralisée, a fourni une première évidence du rôle central des mitochondries dans l'apoptose.

Plus récemment, nous avons entrepris de préciser le rôle des mitochondries, via la production des espèces activées de l'oxygène (EAO), dans la transduction des signaux de mort. Ainsi, nous avons mis en évidence deux voies de signalisation pro-apoptotiques induites par la liaison du TNF-alpha à son récepteur. Ces deux voies résultent de l'activation d'une protéase à cystéine (caspase) et l'une de ces voies dépend de la production d'EAO par les mitochondries.

Une autre approche a consisté en l'étude de l'action des protéines Bcl-2 et Hsp27, toutes deux connues pour leurs propriétés antioxydantes. Nous avons pu montrer que Bcl-2 agit à plusieurs niveaux (dont les mitochondries) pour inhiber la mort cellulaire, et que les fonctions protectrices de Bcl-2 et Hsp27 ne se recouvrent que partiellement.

Par ailleurs, nous nous sommes intéressés aux événements impliqués dans les remaniements du cytosquelette accompagnant le processus d'apoptose. Nous avons observé qu'un contrôle négatif de l'expression des gènes d'actine, par la protéine p53, et non le clivage de l'actine par les caspases, participe au démantèlement du réseau de microfilaments.

Nous poursuivons l'étude des séquences d'événements conduisant à la mort de la cellule en réponse au TNF-? mais aussi en réponse à un anticancéreux : l'étoposide.

 

 

Axe de Recherche 3: Etude des régulateurs de l'apoptose chez la levure

Les levures constituent des systèmes-modèles performants pour l'étude des mécanismes d'action de protéines hétérologues. Dans le cas de la levure Schizosaccharomyces pombe, il a été montré que l'expression de ced-4 induisait une condensation de la chromatine et la mort des cellules. La co-expression de ced-9 inhibe cet effet, par une association physique directe entre les deux protéines. Il a aussi été montré que l'expression de bax chez Saccharomyces cerevisiae et chez S. pombe inhibe la croissance des levures, phénomène réversible par expression d'un gène anti-apoptotiques (bcl-xL ou bcl-2). L'expression de bax s'accompagne de certaines des modifications observées au cours de l'apoptose.

Nous utiliserons la levure S. cerevisiae afin d'étudier les interactions possibles des membres de la famille Bcl-2 entre eux mais également avec d'autres protéines ayant un rôle dans l'apoptose. Nous nous intéresserons particulièrement aux aspects mitochondriaux et à la régulation du Pore Transitionnel Mitochondrial. En effet, il a été montré que l'ATPase/pompe à protons mitochondriale (F0/F1) était nécessaire à l'activité pro-apoptotique de Bax dans la levure et dans les cellules mammifères. Nous caractériserons aussi les événements mitochondriaux associés à l'acquisition d'un phénotype pseudo- apoptotique chez un mutant de CDC48 (collaboration avec Kai-Uwe Fröhlich et Frank Madeo - Physiologisch-chemisches Institut, Tübingen, Allemagne).

Par ailleurs, nous disposons de banques d'expression chez la levure de cDNA humains et de levures. Nous utiliserons ces banques pour cloner, chez Saccharomyces cerevisiae, de nouveaux gènes anti-apoptotiques capables de supprimer l'effet de l'expression de bax ou l'acquisition du phénotype pseudo- apoptotique chez le mutant de CDC48. Cette première étape de clonage par criblage fonctionnel sera complétée par une étude de ces nouveaux gènes au moyen des systèmes d'apoptose que nous manipulons au laboratoire.

 

Axe de Recherche 4: Génétique de l'apoptose chez la drosophile

Chez la drosophile, on connaît quatre caspases et un homologue de Ced- 4/Apaf-1 a été tout récemment identifié. Cependant, aucun homologue de Ced- 9/Bcl-2 n'est encore connu. De nouveaux régulateurs de l'apoptose, ont pu être découverts grâce aux travaux réalisés chez cet organisme (reaper, hid, grim, IAP...) et au moins certains de ces gènes sont fonctionnels chez les mammifères. Il en résulte que notre connaissance des gènes régulateurs de l'apoptose n'est, à l'évidence, encore que partielle.

En collaboration avec Laurent Thééodore (Université Paris Sud, Orsay), nous avons construit des drosophiles transgéniques qui expriment bcl-2, bax ou le gène de la protéine de baculovirus p35 sous contrôle d'un promoteur permettant l'expression spécifique du transgène dans certains tissus (système UAS-Gal4). L'éétude de ces drosophiles transgéniques montre que les gènes mammaliens bax et bcl-2 affectent l'apoptose chez la drosophile (au cours du développement et à la suite d'irradiation aux rayons X). Ces résultats suggèrent l'existence d'une voie contrôlée par les protéines de la famille Ced-9/Bcl-2 chez la drosophile.

Nous étudions les interactions fonctionnelles entre, d'une part, bcl-2 et bax et, d'autre part, les gènes identifiés chez la drosophile (reaper...). A plus long terme, dans le but d'identifier de nouveaux régulateurs de l'apoptose, nous entreprenons la recherche de mutations à effet suppresseur ou "enhancer" des phénotypes provoqués par l'expression de bax. Pour cela, nous participons à une mutagenèse de dérégulation par insertion d'éléments transposables contenant des séquences UAS-Gal4. Les lignées généréées par le consortium, regroupant dix équipes françaises travaillant sur la Drosophile (coordonateur : H. Tricoire, Institut Jacques Monod, Paris), devraient nous permettre rapidement de découvrir des modificateurs de l'effet de Bax. Les homologues mammaliens des gènes identifiés seront recherchés et leur effet sur l'apoptose étudié. Cette approche devrait permettre de progresser dans la compréhension des cascades d'événements qui contrôlent la mort cellulaire programmée au sein d'un métazoaire.

Mécanismes moléculaires de l'apoptose