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Agriculture et sécurité alimentaire

 

Les changements climatiques menaceront certaines régions agricoles alors qu'ils profiteront à d'autres. L'impact produit sur les rendements et la productivité des cultures sera extrêmement variable. Un stress thermique supplémentaire, une modification des moussons et des sols plus secs risquent de réduire les rendements dans les zones tropicales et subtropicales, alors que l'allongement de la saison de croissance pourrait entraîner une amélioration des rendements dans le nord du Canada et l'Europe. Les projections concernant les changements climatiques régionaux et les effets produits sur l'agriculture sont encore cependant entachées de beaucoup d'incertitudes. Les zones agroclimatiques tendraient à se décaler vers les pôles. Le phénomène serait plus prononcé aux latitudes élevées, car on prévoit que les températures moyennes augmenteront plus fortement au voisinage des pôles qu'à l'équateur. Aux latitudes moyennes (45° à 60°), il pourrait atteindre 150 à 550 km. Cela pourrait avoir de puissants retentissements sur les productions végétales et animales car les zones climatiques latitudinales actuelles conviennent chacune de manière optimale à certaines cultures. Les efforts déployés pour déplacer les cultures vers les pôles pourraient être limités par l'inaptitude des différents types de sols dans les nouvelles zones climatiques à se prêter à une agriculture intensive telle qu'actuellement pratiquée dans les principaux pays producteurs. L'humidité du sol sera affectée par l'évolution du régime des précipitations. En se fondant sur un réchauffement mondial de 1 à 6°C au cours des 100 prochaines années, les modèles climatiques prévoient que tant l'évaporation que les précipitations augmenteront, de même que la fréquence des fortes pluies. S'il est possible que certaines régions deviennent plus humides, l'effet net d'un cycle hydrologique plus intense sera dans d'autres une diminution de l'humidité du sol. Des régions exposées à la sécheresse risquent de connaître des périodes sèches plus longues et plus rigoureuses. Les modèles laissent également attendre des changements saisonniers dans le régime des précipitations : l'humidité du sol diminuera dans certaines régions continentales de latitudes moyennes au cours de l'été tandis que les chutes de pluies et de neige s'intensifieront probablement pendant l'hiver aux latitudes élevées. La hausse des températures se répercutera sur les schémas de production. La croissance et la santé des plantes se trouveront parfois avantagées par la diminution des périodes de froid et de gel mais certaines cultures pourraient se ressentir négativement d'une hausse des températures, surtout si elles se conjuguent à des pénuries d'eau : certaines plantes adventices risquent de se propager vers des latitudes plus élevées. Il semblerait aussi que l'expansion vers les pôles des insectes et maladies des végétaux viendra aggraver le risque de pertes de récolte. L'augmentation des concentrations de CO2 dans l'atmosphère pourrait améliorer la productivité. Elle devrait en principe stimuler la photosynthèse dans le cas de certains végétaux. Ceci est particulièrement vrai des plantes du type C3 auxquelles un accroissement des quantités de CO2 disponibles permettrait de mieux utiliser l'eau restreignant leur photo-respiration. Les plantes C3 comprennent la majorité des espèces de la planète, surtout dans les habitats frais et humides, la plupart des cultures telles que le blé, le riz, l'orge, le manioc et la pomme de terre. La réaction des plantes C4 serait moins spectaculaire. Les plantes C4 englobent des cultures tropicales telles que le maïs, la canne à sucre, le sorgho, le maïs, le blé et le millet, qui sont importantes pour la sécurité alimentaire de nombreux pays en développement, ainsi que des graminées de pâturage et de fourrage. Des expériences consistant à doubler les concentrations de CO2 ont confirmé que la " fertilisation par le CO2 " peut augmenter les rendements moyens des cultures C3 de 30  %. Cet effet pourrait toutefois se trouver renforcé ou atténué par les changements qui se produiraient en même temps au niveau de la température, des précipitations, des ravageurs et des éléments nutritifs disponibles. La productivité des parcours et des pâturages seraient également affectée. Par exemple, l'élevage reviendrait plus cher si une perturbation du secteur agricole entraînait une hausse des prix des céréales. En général, il semble que les systèmes d'élevage intensif s'adaptent plus facilement aux changements climatiques que les systèmes de culture extensifs. Ce n'est toutefois peut-être pas vrai pour les systèmes pastoraux dans le cadre desquels les collectivités ont tendance à adopter plus lentement les nouvelles méthodes et technologies. Le rendement global des ressources halieutiques marines ne devraient pas se ressentir du réchauffement mondial. Les effets principaux auront lieu aux niveaux national et local à mesure que la répartition des espèces évoluera et que les populations réagiront en déplaçant les lieux de pêche. Ces éventuels effets locaux pourraient menacer la sécurité alimentaire des pays qui en dépendent fortement. De manière générale, les effets positifs des changements climatiques pourraient notamment se traduire par un allongement des saisons de croissance, une diminution de la mortalité hivernale naturelle et des taux de croissance plus rapides aux latitudes élevées. Parmi les effets négatifs, il pourrait y avoir une perturbation des schémas de reproduction établis, des itinéraires de migration et des relations entre les écosystèmes. Les risques pour la sécurité alimentaire sont essentiellement locaux et nationaux. Les études montrent que la production agricole mondiale pourrait être maintenue par rapport au niveau de référence attendu au cours des 100 prochaines années. Toutefois, les effets seraient très différents d'une région à l'autre et certains pays pourraient connaître une diminution de leur production même s'ils prennent les mesures d'adaptation nécessaires. Cette conclusion tient compte des effets bénéfiques de la fertilisation par le CO2 mais pas des autres effets éventuels des changements climatiques, en ce qui concerne notamment les ravageurs et les sols. Les populations les plus vulnérables sont les paysans sans terre, les démunis et les personnes isolées. Ces populations auront plus de mal à faire face aux conséquences agricoles des changements climatiques du fait de la médiocrité des termes de l'échange, des carences infrastructurelles, du manque d'accès aux technologies et à l'information et des conflits armés. Nombre des régions les plus pauvres du monde, qui dépendent de systèmes agricoles isolés dans des régions semi-arides et arides, seront les plus exposées. Une grande partie de ces populations à risque vivent en Afrique subsaharienne; dans le sud, l'est et le sud-est de l'Asie, dans les régions tropicales d'Amérique latine et dans certaines îles du Pacifique. Des politiques efficaces peuvent contribuer à améliorer la sécurité alimentaire. On peut limiter les effets négatifs des changements climatiques en modifiant les modes de culture et les variétés utilisées, en introduisant de meilleurs systèmes de gestion des ressources en eau et des périmètres d'irrigation, en adaptant les calendriers des semis et méthodes de labour ainsi qu'en gérant mieux les bassins versants et en planifiant plus judicieusement l'utilisation des sols. Outre le problème de la réaction physiologique des végétaux et des animaux, les politiques peuvent s'efforcer d'améliorer la manière dont les systèmes de production et de distribution répondent aux variations des rendements.